mardi 23 avril 2019

"RUE DES CASCADES" de Maurice Delbez (1964)




En 1963 dans le quartier de Belleville, Alain, un jeune garçon d'une dizaine d'années, vit seul avec sa mère (veuve et quadragénaire). Cette dernière tient un bar/épicerie situé rue des Cascades à Paris. Ils vivent tous les deux en harmonie jusqu'à l'arrivée de Vincent, l'amant de la mère. Celui-ci présente la double particularité d'avoir 20 ans de moins qu'elle et d’être Antillais.
En partie par jalousie l'enfant rejette tout d'abord le nouveau venu (qu'il considère comme un intrus) mais il est finalement conquis par la gentillesse et l'imagination de Vincent. Cependant dans le Paris de l'époque cette double différence (d'age et d'origine) ne va pas tarder à poser de nombreux problèmes.
Cette famille recomposée avant l'heure tiendra t-elle le choc face à la pression sociale ?

Adapté du roman de Robert Sabatier "Alain et le nègre" paru en 1953, ce film a été réalisé par Maurice Delbez. "Rue des Cascades" (initialement intitulé "Un gosse de la butte") nous amène au coeur du 20ème arrondissement. Belleville et Ménilmontant comptant parmi les quartiers les plus populaires de Paris (et en plein développement au moment du film).

4 ans avant mai 1968 le réalisateur aborde frontalement des sujets radicaux tels que la libération sexuelle des femmes ou le racisme ! Trop en avance sur son temps le film ne rencontra hélas pas son public lors de sa sortie en salle. Il fallut attendre quasi 50 ans pour le voir ressortir au cinéma à plus large échelle, puis finalement être édité en DVD ! L'attente en valait cependant la peine, car c'est avec un réel plaisir que l'on découvre (ou redécouvre) le Paris des années 60. La gouaille populaire des habitant de ce quartier est parfaitement rendue. Mention particulière pour les acteurs, notamment l'Antillais Serge Nubert, futur Monsieur Univers, ainsi qu'au quatuor d'enfants parfaitement convaincants.

Si vous ne connaissez pas ce film avant-gardiste ne vous formalisez pas pour autant. Je ne l'ai moi même découvert qu'il y a peu (et encore je n'ai acheté le DVD que pour son titre ! Il faut dire que j'habite à courte distance de la rue Cascades ! Le destin tient à peu de choses...)

Bref comme d'habitude suivez le guide et en route pour une visite Avant/Après du 20ème arrondissement ! (Mine de rien j'ai presque l'impression de vous faire visiter ma maison ! Bref bienvenue chez moi !)


0h01 : Le film débute sur un peintre chargé de l'entretien des fontaines Wallace.
55 ans plus tard la fontaine est toujours en face de Notre Dame de la Croix de Ménilmontant !
0h02 : Un quatuor de jeunes garçons gravissent leur escalier préféré à destination de leur terrain de jeu.
De nos jours l'escalier existe toujours, il se trouve à une courte encablure des Buttes-Chaumont.
0h02 : Alain est très intrigué par le garçon qu'il aperçoit quotidiennement derrière sa vitre.
De nos jours l'immeuble, situé entre la rue Manin et la rue colline Bergeyre est toujours en place. On s'attendrait presque à voir le garçon apparaître à sa fenêtre.

0h19 : Cet escalier reviendra à plusieurs reprises au cours du film. 
Vue générale de l'escalier.

0h19 : Le jeu préféré des garçons : s’asseoir sur les escaliers et essayer de regarder sous les jupes des passantes !
Plus personne ne s'assoit dans l'escalier !
0h20 : L'attente des garçons ne sera pas longue avant de voir une femme descendre les escaliers ! Ceci dit vu la longueur des jupes de l'époque ils ne sont pas prés de voir quoi que ce soit !
Le haut de l'escalier menant à la butte Bergeyre.
L'escalier apparaît une dernière fois dans le film à 1h19. Alain rencontre finalement le mystérieux garçon caché derrière sa vitre.
La grille en haut des escaliers elle non plus n'a pas changé !
Deux escaliers permettent l’accès à la butte Bergeyre. Willy Ronis, en 1950, a pris en photo le second escalier (entre la rue Simon Bolivar et la rue Georges Lardennois).
Si l'escalier est toujours là, la perspective est "légèrement" différente.
Retour à la chronologie du film. 0h04 : Les 4 amis s'amusent dans la rue lorsque le père de l'un d'eux (dans son superbe uniforme) apparaît.
Nous sommes ici rue de Savies qui donne directement sur la rue des Cascades.
0h04 : La mère d'Alain appelle son fils depuis le porche de sa boutique.
Point de "Vin du Postillon" au 42 rue des Cascades, mais une "Fontaine d'Henry IV" ! (Il est d'ailleurs amusant de constater que le nom d'Hery IV est mentionné plusieurs fois dans le film ! Le hasard n'existe pas). A noter qu'à l'époque la boutique était assez grande et s'étalait le long des portes jaunes et violettes ! Depuis lors le commerce semble avoir été scindé en deux. Quoi qu'il en soit l'entrée principale se faisait par la porte jaune.
0h04 : Alain vient de se battre dans la rue au grand mécontentement de sa mère !
De nos jours la porte jaune semble toujours fermée et la porte violette quant à elle est en travaux !
L'intérieur de la boutique, coté épicerie (soit la porte jaune actuelle).
...et le coté bar ! (la porte violette donc).
Comme vu plus haut la Fontaine Henry IV est actuellement en travaux, mais en photographiant au travers de la vitrine on peut reconnaître l'endroit où se tenait le bar et surtout l'ouverture dans le mur qui donnait directement sur l'appartement de la propriétaire.
0h10 : Contre plongée sur les immeubles surplombant le bar. 
La vue depuis la rue des Cascades n'a pas changé.
0h11 : Un militaire demande son chemin à Alain. Celui-ci ne se doute pas que sa venue va avoir des conséquences dramatiques sur la vie du quartier.
Perspective de la rue des Cascades.
0h32 : Les enfants surprennent le militaire en charmante compagnie.
La rue des Cascades juste devant le Regard Saint-Martin.
Le regard St Martin apparaît à nouveau à 0h53.
Ce regard donne accès à une galerie souterraine de 125 mètres de long autrefois destinée à acheminer l'eau de Belleville. 
Le Regard Saint-Martin photographié en 1901.
0h46 : La joyeuse bande écoute médusée les histoires (imaginaires) de chasse à l'éléphant de Vincent !
L'endroit où se trouvait le groupe d'enfants a de nos jours totalement disparu, remplacé par le Parc de Belleville. Étalé sur une surface de 45.000 m2 il a été inauguré en 1988 et il offre l'une des plus belle vue sur Paris qui soit ! 
0h46 : Vincent sait captiver son auditoire.
Ceux qui racontent des histoires Passage Piat finissent à la benne !

Vincent et ses porteurs s'avancent courageusement dans la jungle de béton !
De nos jours des enfants continuent à jouer au même endroit que leurs glorieux aînés. Les barres d'immeubles ont heureusement disparu depuis lors.
0h54 : Alain se dirige vers son terrain de jeu préféré.
Nous sommes ici sur la colline (appelée la Butte Bergeyre) à laquelle mènent les escaliers vus précédemment. Quatre rues, dont la rue Georges Lardennois, composées principalement de très beaux pavillons et de maisons basses. Si vous passez dans le coin vous aurez l'impression d’être n'importe où sauf à Paris ! Dépaysement garanti.

Plus tard dans le film (1h17) Alain retrouve la colline avec son amie.
Là où les enfants vivaient leurs premières émotions se trouvent désormais des vignes.

La Butte Bergeyre apparaît une dernière fois dans le film à 0h55. La jeune fille fait bronzette tout en essayant d'embrasser Alain !
A noter que 15 jours séparent cette photo de la précédente. Entre temps, à ma grande surprise le banc au premier plan a été démonté ! La faune hétéroclite qui le squattait lors de ma première photo (de fervents défenseurs de la médecine par les plantes si j'en juge par les bonnes odeurs qui régnaient sur les lieux) y est peut être pour quelque chose...

Vue imprenable sur le Sacré cœur depuis le fameux banc.

Battie sur une ancienne carrières de gypse la butte abritait en 1900 un parc d’attraction, "Les Folles buttes". L'entrée principale se faisait par la rue Prestley, actuellement nommée avenue Mathurin-Moreau.

Difficile d'imaginer les Folles buttes de nos jours !
En 1918 les "Folles buttes" sont démolies et laissent leur place au Stade Bergeyre (nom d'un joueur de rugby mort pendant la 1ère guerre mondiale). En 1926 le stade est à son tour démoli pour faire place aux logements d'habitations que nous connaissons actuellement.

0h57 : Vincent prépare une farce pour impressionner Alain...
Parallèle à la rue de Bagnolet, nous sommes ici rue des Pairies.
...Vincent guette la femme qui rentre dans sa voiture. Il va l’empêcher de démarrer à la seule force de ses bras !
Depuis la farce de Vincent plus personne ne stationne rue des Prairies !

Son forfait accompli Vincent se rhabille !
Quelques changements dans la rue de Bagnolet mais on reconnait encore clairement les doubles escaliers.

0h57 : "Tu pourrais arrêter aussi ce bus avec tes bras ? - Oui mais j'aurais des problèmes avec la loi !"
La rue des Prairies à son débouché avec la rue de Bagnolet. Pour l'anecdote la ligne 76 passe toujours au même endroit ! (c'est ce qui du reste m'a permis de retrouver cet endroit)
0h58 : Vincent et Alain partent en ballade à travers Paris...
Nous sommes ici Porte Saint Denis. Il s'agit d'un arc de triomphe construit en 1672 en hommage à Louis XIV sur l'emplacement de l'ancienne enceinte Charles V

0h58 : Pendant que la dame embrasse le Monsieur, Alain va s'amuser à lui chatouiller les pieds !
La rue de la Lune qui surplombe le boulevard Bonne nouvelle.

0h59 : Le duo poursuit ses déambulations Parisiennes.
Le boulevard des Italiens. Mine de rien le duo a traversé une bonne partie de Paris en quelques secondes ! Belle foulée ;)

0h59 : Séance musique sur le boulevard.
Même si la colonne Morris a un peu changé de forme, elle est toujours en place sur le boulevard des Italiens.

1h20 : Vincent a annoncé son départ (reviendra t-il ?) Alain s'élance à sa poursuite !
L'escalier de la rue Vilin a totalement disparu avec l’avènement du parc de Belleville.  Le nouvel escalier a t-il été construit à l'emplacement du précédent ?

L'escalier vu du haut du parc.

1h21 : Alain continue sa folle course pour retrouver Vincent...
Sans logique avec la scène précédente Alain descend à présent la rue de Ménilmontant.
1h21 : Course à travers Paris suite...
Toujours sans aucune logique géographique, Alain se retrouve devant l'église Saint Germain de Charonne
1h21 : Alain touche au but puisqu'il aperçoit Vincent au bout de la rue !
La course improbable d'Alain à travers le 20ème arrondissement s’achève sur la place de la Réunion.
1h21 : Juste à temps ! Vincent allait s'engouffrer dans un taxi.
Place de la réunion toujours. Notez que désormais des toilettes publiques bouchent une partie de la vue sur la droite.
1h23 : Après des adieux déchirants, Alain doit finalement se résoudre à laisser partir Vincent...
La place autrefois vide fait désormais office de place du marché.

1h24 : Gros plan sur la devanture du magasin "La maison du Taleth"...
...où Alain retrouve le mystérieux garçon aperçu par la fenêtre de la butte Bergeyre.
Après quelques recherches sur le net j'ai trouvé la trace d'une Maison du Taleth au 10 rue Ramponeau. Cependant elle est méconnaissable par rapport au film et surtout le magasin semble avoir fermé ses portes, il y a une bonne dizaine d'années de cela !
1h24 : Le film se termine par une scène montrant les enfants reconstituant une bataille Homérique !
De nos jours plus de batailles homériques mais une vue imprenable sur Paris !

6 commentaires:

  1. Je viens juste de connaître le film et je tiens à vous féliciter pour votre travail sur ce vrai bijou.

    RépondreSupprimer
  2. super sympa, tu m'as permis de découvrir la butte Bergeyre, endroit incroyable et super au coucher de soleil ;:) et la rue de Ménilmontant il y a 57 ans, là où j'habite avec plaisir

    RépondreSupprimer
  3. Je viens de découvrir votre site. Merci pour ces explications sur les rues du tournage de "Rue des Cascades" que j'ai vu il y a deux ans (et où j'habite d'ailleurs) car je n'avais pas tout reconnu.

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour, s'il y a une scène avec сafe chez Riton dans le film ? Si oui, peux-tu poster une capture d'écran ?

    RépondreSupprimer